Extension de la naturalisation aux enfants nés par gestation pour autrui

Publié le : 06/09/2019 06 septembre sept. 09 2019
Source : www.dalloz-actualite.fr
Le recours à la gestation pour autrui (GPA) ne doit pas priver les enfants qui en sont issus du bénéfice de l’effet collectif attaché à la naturalisation du père.
par Jean-Marc Pastor

CE 31 juill. 2019, req. n° 411984
 

M. D., Australien, est marié avec M. B. et résident tous deux en France. Dans le cadre de conventions de gestation pour autrui conclues dans l’État du Colorado (États-Unis), ils sont devenus les parents de deux enfants. La filiation des enfants a été déclarée avant leur naissance par une ordonnance de parenté rendue par le juge américain. Les deux enfants résident en France avec M. D. et M. B. En juin 2015, M. D. a présenté une demande d’acquisition de la nationalité française par naturalisation. Il a demandé également le bénéfice de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française au profit des enfants. Un décret en date du 25 avril 2017 a naturalisé M. D. sans mention des deux enfants. Le 2 mai 2017, le ministre de l’Intérieur a rendu une décision dans laquelle il rejette explicitement la demande tendant à ce que soit accordé aux enfants le bénéfice de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française. M. D. demande l’annulation de cette décision et la modification du décret de naturalisation.

Une question de droit nouvelle

La question posée ici est nouvelle car, généralement, les questions liées à la GPA concernent la retranscription des actes d’état civil des enfants nés à l’étranger de parents français. Et le Conseil d’État a déjà précisé qu’une convention de mère porteuse, bien qu’entachée de nullité au regard de l’ordre public, ne peut priver les enfants qui en sont issus de la nationalité française par filiation (CE 12 déc. 2014, n° 367324, Association Juristes pour l’enfance et autres, Lebon  ; AJDA 2015. 357 , note J. Lepoutre  ; ibid. 2014. 2451  ; D. 2015. 355, et les obs.  ; ibid. 352, concl. X. Domino  ; ibid. 357, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon  ; ibid. 450, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot  ; ibid. 649, obs. M. Douchy-Oudot  ; ibid. 702, obs. F. Granet-Lambrechts  ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat  ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke  ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire  ; AJ fam. 2015. 53, obs. A. Dionisi-Peyrusse  ; RFDA 2015. 163, concl. X. Domino  ; RTD civ. 2015. 114, obs. J. Hauser ).
Le principe d’extension de la naturalisation aux enfants mineurs, qui figure à l’article 22-1 du code civil, « est subordonné notamment à la preuve de l’existence d’un lien de filiation avec ce parent, susceptible de produire légalement des effets en France », précise le Conseil d’État. En l’occurrence, il existe un lien de filiation, selon la loi du Colorado, entre les enfants et M. D.

Bénéfice de l’effet collectif

La Haute juridiction considère que le ministre chargé des naturalisations pouvait, dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont il dispose en la matière, « refuser de faire droit à la demande de naturalisation de M. D. en prenant en considération la circonstance que celui-ci avait eu recours à la gestation pour le compte d’autrui, prohibée en France ». Mais l’acquisition de la nationalité française par le père doit bénéficier aux enfants, par effet collectif, à condition, indique le Conseil d’État, qu’il n’y ait pas de fraude et une conformité à la loi. La GPA « ne pouvait en revanche, alors qu’il n’est pas soutenu que les actes d’état civil des deux enfants, établis selon la loi applicable aux faits dans l’État du Colorado, seraient entachés de fraude ou ne seraient pas conformes à cette loi, conduire à priver ces enfants de l’effet qui s’attache en principe, en vertu de l’article 22-1 du code civil, à la décision de naturaliser M. D., sans qu’il soit porté une atteinte disproportionnée à ce qu’implique, en termes de nationalité, le droit au respect de leur vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

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